PANTRUCHE (OU LES MEMOIRES D’UN TRUAND)
Fernand Trignol
[Biographie - Argot]
Avec cette autobiographie, Fernand Trignol (1896-1957) nous jette tête la première dans les bas-fonds parisiens du début du 20e siècle ; ainsi que dans ceux, tout aussi fangeux et impitoyables, de l'âge d'or du cinéma français : le cinéma d'avant-guerre... celui des monstres sacrés. Admiré de Céline pour sa maîtrise de l'argot, Fernand Trignol, dialoguiste et consultant en réalisme sur les films de Jean Gabin (l'acteur écrit la préface), était surtout et avant tout un vrai voyou parisien : toujours enfouraillé, un peu dans les filles, les courses... Ce qui ne l'a pas empêché de fréquenter nombre d'hommes d'esprit et d'écrivains aimantés par sa gouaille et sa biographie cabossée. Céline, Francis Carco, Tristan Bernard ou Courteline ! Ou, dans un tout autre registre, Trotski, oui. Trotski, son copain de bistrot...
"Veuve, ma dabe s’était mise avec un ouvrier. Je ne m’entendais pas avec lui. C’était un petit nière insignifiant. Mézigue, j’étais grand, sec et vif. Il voulait me frictionner. À chaque coup c’était lui qui prenait la tisane. En bonne mère, la mienne n’a pas hésité : c’est moi qu’elle a foutu à la lourde, « manu militari », comme dit Gégène Stubert qui a de l’instruction. Alors a commencé pour moi la vie de la rue avec tous les truands du quartier. Toujours sans un, je payais ma taule deux francs cinquante par semaine et me nourrissais le plus souvent de deux ou trois crêpes à deux sous, rue de la Gaîté. Je faisais un peu tous les turbins : vendeur de journaux, ouvreur de lourdes devant les champs de courses, et crevant de faim les trois quarts du temps."
Les Lapidaires (2021) 206 p. 12 x 19 cm