MUGUETTE
Jean Pierre Bouyxou
[Erotisme - Littérature]
Ami lecteur, sois-en illico averti : Muguette n’est pas une bluette. Si tu aimes l’outrance, la caricature, l’écriture automatique, la démesure, la scatologie, le gore, si tu as sur tes rayons Les Onze Mille Verges d’Apollinaire et les OEuvres érotiques de Pierre Louÿs à ton chevet, ce livre est pour toi. Tu bourlingueras, de la Chine à Levallois-Perret, en compagnie de Muguette et de sa copine Tapée-la-Youpette, avec des haut-le-coeur, mais de franches rigolades, bien que le cerveau en capilotade. Au passage, tu croiseras Fantômas, un jeu-concours, de la grande poésie (!) et plein de délires pornographiques fantasques…
Sinon, passe vite ton chemin…
Écrite par Jean-Pierre Bouyxou comme une pochade pour amuser ses amis, Muguette n’avait pas vocation à être publiée lorsqu’elle fut écrite en 1971. Journaliste pour Paris-Match, critique de cinéma, acteur et réalisateur, Jean- Pierre Bouyxou, né en 1946, est également un auteur phare et culte de la célèbre collection des années 1980, "La Brigandine", dans laquelle il commit un certain nombre de romans sous divers pseudonymes.
Extrait: "Si le garde rouge auquel s’était adressé Muguette avait suivi de plus près la Révolution culturelle, il aurait su, par exemple, qu’on ne devait pas dire un wouang-banzaï, mot grossier, vulgaire et réactionnaire hérité des temps où le peuple chinois était réduit en esclavage, mais qu’on devait dire, tout simplement, un trou de balle. Le Dictionnaire des synonymes établi par le camarade Pino-Ku admettait en outre les expressions suivantes: trou du cul, moule à bronze et, dans les cas extrêmes, nid à merde. Muguette, qui était perspicace, comprit ce que le soldat entendait par wouang-banzaï. Eclatant du rire le plus poétiquement cristallin qu’on puisse imaginer, elle déclara au garde rouge:
- Si c’est mon cul que tu appelles wouang-banzaï, ô camarade militaire, alors c’est bien de mon wouang-banzaï que je parlais en le nommant chaudière. Pourrais tu donc, ô resplendissant camarade à grosse queue, remplir mon wouang-banzaï-chaudière en y enfournant ceci ?
Et elle désigna le braquemard du soldat.
- Chez nous, paysans-soldats de la province de Win-Pouët, répondit le garde rouge, figure-toi, ô délicieuse camarade péripatéticienne qui embaume la pisse, qu’on appelle ça un reuméleux-meuleux.
- C’est curieux, ô splendide camarade caserné, rétorqua Muguette, que vous appeliez ça un reuméleux-meuleux, car j’ai lu dans les Pensés du défunt camarade Mao qu’on devait dire un chibre ou, en cas de répétition à éviter dans une discussion cochonne, un dard, ou un zob, ou très éventuellement, entre familiers seulement, une massue-à-enculer-les-vipères-lubriques-capitalistes."
La Musardine (2016) 190 p. 11 x 18 cm