LES ÉMEUTES EN GRECE
Théo Cosme
[Révoltes - Grèce - Années 2000]
Les émeutes en Grèce, et leur écho mondial, sont le signe que la crise mondiale du capital, qui s’est d’abord présentée comme crise financière, est effectivement une crise du rapport d’exploitation, une crise de l’implication réciproque entre les deux classes de ce mode de production. Crise de la reproduction du face-à-face entre la force de travail et le capital, qui, pour le meilleur et pour les limites des émeutes en Grèce, est apparue comme une affaire de discipline. Alors que toutes les mesures, contre-mesures, plans, en termes stratégiques, les offensives du capital emplissaient l’horizon, les volutes de fumée des cocktails Molotov, à Athènes, Patras, Thessalonique, Malmö, les bruits de verre brisé, à Gand, Paris, Londres, les pierres lancées sur les flics, partout, sont venus faire écran entre l’horizon indépassable du capitalisme et le présent terrifiant de sa crise. Trois mois après l’effondrement des bourses mondiales, trois ans après les émeutes des banlieues françaises, les feux grégeois des jeunes prolétaires du monde entier nous rappellent que la guerre de classe a bien lieu.
Extrait: Depuis la Seconde Guerre mondiale, le développement du capitalisme en Grèce a été chaotique, détruisant les anciennes relations sociales plutôt que construisant de nouvelles impliquant et définissant l’ensemble de la société ; exemplaire à cet égard, l’entrée dans l’Union européenne en fut, pour l’instant, la dernière étape. La bourgeoisie grecque a toujours fait preuve de pusillanimité, à la remorque des grandes puissances capitalistes (depuis « l’indépendance » même) et regardant plutôt vers le large que vers son territoire national. L’industrie capitaliste grecque, après s’être développée sous la forme de quelques enclaves, le plus souvent aux mains de capitaux étrangers (comme l’était la famille royale), est maintenant exsangue. L’emploi, c’est la marine marchande, le tourisme et le secteur du bâtiment qui lui est lié, l’administration. La révolte contre le capitalisme qui ne l’a jamais fait vivre décemment est intrinsèque à la société grecque. Les émeutes de décembre 2008 se situent à la conjonction de ce capitalisme prédateur dont l’organe est l’État, tenu par des mafias clientélistes, et de la cristallisation, dans le mouvement étudiant, de la défiance sociale, faite de haine et de mépris, qu’il suscite.
Senonevero (2009) 140 p. 14 x 22 cm